La genèse de la limousine électrique Lucid Air vaut à elle seule le détour. Si Elon Musk, le patron de Tesla, et Peter Rawlinson, en son temps concepteur de la Tesla Model S, ne s’étaient pas mésentendus, la Lucid Air n’aurait jamais vu le jour. Ou alors aurait été une Super-Model S. Car l’Air est la réponse du berger éconduit à la bergère, le fruit de l’imagination de Rawlinson, parti rejoindre Lucid Motors en 2014.
Sur son positionnement, la Lucid Air se situe entre une Tesla Model S par la présentation «minimaliste» de son agencement et une Mercedes EQS pour son traitement luxueux, et au-dessus d’une Porsche Taycan Turbo S par ses performances. Voilà qui promet!
Merveille d’ingénierie
Modèle unique – pour le moment – de la marque, la Lucid Air est néanmoins disponible en quatre versions selon leur niveau de puissance et d’autonomie WLTP: Pure (487 ch / 660 à 725 km), Touring (629 ch / 648 à 725 km), Grand Touring (830 ch / 783 à 839 km) et Dream Edition qui se décline en deux moutures, Performance (1126 ch / 799 à 861 km) et Range (946 ch / 828 à 883 km). Bien évidemment, outre la taille de la batterie, quelques détails d’équipement et la monte pneumatique diffèrent entre les différents niveaux de performance.
En revanche, toutes reposent sur la même plate-forme technique, baptisée LEAP (Lucid Electric Advanced Platform). Imaginée à partir d’une feuille blanche, elle porte à un niveau jusqu’ici jamais vu la miniaturisation des éléments mécaniques. Tous les organes sont conçus et développés par Lucid. Rappelons que Lucid émane de la société Atievia, fournisseur des batteries de compétition en Formule E. Ainsi, le système de refroidissement et celui de la connexion entre les modules sont directement issus de la compétition, afin de garantir les meilleures performances. La batterie fonctionne sous une tension de 800 V, autorisant une puissance de recharge de 300 kW pour récupérer 400 km d’autonomie en environ 15 min de charge.
Autre pièce maîtresse de la Lucid, ses moteurs. Elle en possède deux du même type. Baptisé ActiveCore, ce moteur synchrone à aimant permanent offre la meilleure densité du marché. D’un poids de 74 kg et capable d’être emporté dans une valise, il peut développer jusqu’à 679 ch. Le bloc intègre aussi la transmission à train planétaire directement dans le boîtier. Cette miniaturisation des éléments mécaniques a permis de dégager un espace gigantesque à l’attention des passagers, ainsi qu’un volume des coffres (avant et arrière) totalisant plus de 910 litres, tout en contenant autant que faire se peut la masse du système de propulsion et maximisant l’efficience.
La forme suit la fonction
Le style de la Lucid Air de production n’a pas beaucoup dérivé du concept. Constat logique en soi, puisque que le design résulte lui aussi de la recherche de l’efficience optimale. D’ailleurs, le coefficient de traînée aérodynamique, le fameux Cx, n’est que de 0,197, un record. Cette ligne singulière et très élancée est caractérisée par une face avant à la signature lumineuse intimidante constituée de LED, ici aussi «faits maison».
Sur la toise, la Lucid Air mesure 4,98 m de long, 1,94 de large et 1,41 m de hauteur. L’empattement culmine à 2,96 m et la masse oscille entre 2360 et 2375 kg suivant les versions. Le coffre arrière – la Lucid Air fait l’impasse sur un hayon – laisse un passage étroit pour accéder à son espace pourtant généreux de 627 litres. Mais Lucid pallie ce fait par l’adjonction un «frunk» (contraction de «front» et «trunk» pour «coffre avant») avec 283 litres de capacité, à très grande ouverture.
A bord, l’espace est gigantesque. Si le pare-brise dégage une belle vue vers l’avant, encore plus avec le toit panoramique disponible sur les versions de pointe, l’impression visuelle d’espace peut s’amenuiser en raison des faibles surfaces vitrées latérales. Les grands gabarits pourront aussi être incommodés par les énormes montants latéraux à l’entrée ou à la sortie.
L’habillage du cockpit jouit d’un traitement luxueux. Les matériaux nobles, cuir (naturel ou synthétique au choix), tissages, essences de bois, tout respire le vrai. Le plastique ne sert qu’à quelques inserts façon aluminium brossé épars et pour des pièces de mobilier moins exposées à l’œil. Le raffinement se poursuit avec des sièges aux réglages innombrables et cinq programmes de massages pour réduire la fatigue en voyage.
Autre bon point, l’ergonomie conventionnelle du poste de conduite. Un volant normal, des commodos normaux et quelques molettes et boutons classiques sur les branches du volant et la console centrale pour les commandes indispensables. Face à lui, le conducteur trouvera une dalle numérique de 34 pouces pour l’instrumentation et l’infodivertissement. Cette fonction est couplée à un second écran escamotable sur la console centrale, qui réplique la fonction utilisée au-dessus de lui, en plus de donner accès aux réglages secondaires de la voiture de quelques pichenettes du bout du doigt.
Ça pousse!
A la conduite, le sifflement des moteurs est étonnamment présent à l’intérieur de l’habitacle. D’autant plus étonnant que l’insonorisation des bruits d’air et de roulement est performante. Et tant qu’à faire, la sono hifi et ses 21 haut-parleurs auront vite fait de couvrir le moindre bruit.
Trois modes de conduite sont proposés «Smooth», «Swift» et «Sprint» qui influent sur la réponse à l’accélérateur, le freinage régénératif et le couple amortissement/direction. Sans procéder à un quelconque réglage, si ce n’est l’intensité du freinage régénératif sur 2 niveaux, la Lucid Air propose la conduite à une seule pédale si agréable. Le confort global est de très haut niveau, mais plus ferme que celui d’une Mercedes EQS, véritable tapis volant dans le segment. Disons que le biais sportif est plus présent sur l’Américaine que sur l’Allemande. Devant la puissance et de couple délivrés par les moteurs sur les quatre roues, les sensations d’accélération sont époustouflantes. De même, la célérité du châssis de l’Air est impressionnante, en virant à plat et gardant le cap en permanence. On regrettera l’absence d’un système de roues arrière directrices qui sublimerait l’agilité dans les enchaînements rapides.
Record de frugalité
Il est enfin un domaine où la Lucid Air met tout le monde d’accord: la consommation. Notre périple d’une journée mêlant routes secondaires, Autobahn à vitesse illimitée et autoroutes suisses sans rouler à l’économie nous a gratifié d’une consommation moyenne de 16,9 kWh/100 km, ou 698 km d’autonomie pour la Grand Touring. Tout simplement un record qui place la Lucid au-dessus de toute la production de véhicules électriques à ce jour. Je vous laisse imaginer l’autonomie possible en conduisant en bon père de famille ou sur des trajets urbains et péri-urbains particulièrement favorables à la récupération d’énergie.
Si l’attente fut longue entre le concept et la version définitive, la Lucid Air n’est pas que du vent. La voiture – électrique de sucroît – parfaite n’existe pas, mais l’Air s’en rapproche assurément. Ramage et plumage ne font qu’un et leur mariage s’avère abouti à un niveau encore jamais vu. Reste à trouver les 125 000.- francs demandés pour une Air Pure, les 145 000.- pour la Touring ou les 175 000.- pour la Grand Touring. La Dream Edition, affichée 210 000.- CHF est déjà sold-out.
Jérôme Marchon