«On ne comprend absolument rien à la civilisation moderne, disait Bernanos, si l’on n’admet pas tout d’abord qu’elle est une conspiration universelle contre toute espèce de vie intérieure». La vie intérieure, celle qui se dérobe au regard des autres, celle qui appartient justement à l’intimité de l’humain, son jardin privé en somme. Or l’arrivée des réseaux sociaux a fait reculer la sphère privée pour la rendre publique; on publie tout sur les réseaux: sa famille, ses enfants, ses vacances, ses voyages, ses pensées, ses habitudes, ses lectures, son café du matin et jusqu’à son lave-linge. Le mythe de la transparence est devenu une réalité quotidienne et l’homme s’est métamorphosé en un être de surface livré au voyeurisme avide des internautes. Or ce n’est plus un voisin qui, nuitamment, observe en tapinois avec ses jumelles, c’est délibérément, de la part de leurs auteurs, que toutes les informations privées voyagent sur la toile. La vie intérieure s’est réduite singulièrement; les Gafam collectent ces données pour les réutiliser à notre insu. Ils sont parvenus à faire ce qu’aucun Etat totalitaire n’avait encore pu imaginer.

Mais le sommet de l’intrusion dans la vie privée est «Alexa»! La maison connectée grâce à un petit haut-parleur en contact permanent avec une centrale. Le programme piloté via Internet est capable de gérer plusieurs appareils domestiques au seul son de votre voix. «Alexa» d’Amazon est donc perpétuellement en alerte et vous enregistre chaque fois que vous lui parlez; des quantités d’employés, ayant pour but de perfectionner le système de reconnaissance des mots, scrutent vos conversations privées. La multinationale garantit la confidentialité. Je n’y crois pas trop, car en robotique, l’espion n’est jamais loin, qui peut consigner les sons captés par l’enceinte. Ce gigantesque réseau est la dernière étape avant la puce électronique implantée dans le corps pour rendre votre vie privée aussi transparente qu’une vitre. Être néomoderne, c’est donc avoir renoncé à son chez-soi en l’ayant transformé volontairement en un chez-tous.

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