Il ne s’agit donc pas d’erreurs de jugement ni de méconnaissance des situations: jusque dans les débats télévisés, d’aucuns propagent sciemment de fausses nouvelles pour en tirer quelque avantage. Chacun y va de sa citation hors contexte. On peut s’en prévenir en vérifiant les sources, en contrôlant la véracité des faits, en mettant en évidence les publics cibles. Mais cela prend du temps, comme toutes les recherches de vérité. Et dans le feu des débats, des prises de positions rapides, dans l’émotion aussi, on ne prend pas ce temps, si bien que celui qui propage délibérément ces erreurs peut aisément faire passer ses propos pour des opinions comme les autres, ayant comme les autres droit de cité. Le menteur table sur notre crédulité. Or la question centrale est la suivante: un mensonge énoncé intentionnellement est-il une opinion? Si ce n’est pas le cas, alors dans les débats, les fake news ont un statut différent de celui de l’erreur. On a affaire à de la duplicité, à de l’hypocrisie, parce qu’il faut que le menteur connaisse pertinemment la vérité qu’il veut travestir. Le menteur ne peut pas se mentir à lui-même. Face à quelqu’un qui se trompe, on peut montrer de l’indulgence, l’écouter et argumenter pour le tirer éventuellement de son erreur. Mais avec un menteur calculateur, nul espoir de le convaincre, le voilà hermétique à tout argument parce qu’il n’est pas là pour discuter, il est là pour détruire. On peut alors quitter la controverse, claquer la porte, s’énerver, l’insulter, le frapper, mais on peut aussi adopter l’ironie, cette arme des gens qui ne cèdent pas à la moquerie. L’ironie, par sa tactique de mise à distance, possède cet avantage de savoir arracher les masques et d’éventer les illusions.
Les quatre vérités de Jean-Marc Vaudiau