L’agglomération genevoise est séparée par le Rhône en deux moitiés de taille grossièrement comparable. Une demi-douzaine de ponts relient les deux rives du fleuve sur le territoire de la ville, mais deux seulement (Mont-Blanc et Coulouvrenière) ont une fonction de transit – une fonction à laquelle ils répondent de plus en plus mal, en raison à la fois de l’engorgement du trafic et des chicanes qui s’y ajoutent. Pour retrouver des voies de transit, il faut emprunter le pont Butin ou nettement plus loin encore celui d’Aigues-Vertes de l’autoroute de contournement, ce qui pénalise la région comprise entre l’Arve et le lac. Cet état de choses ne peut que s’aggraver tant qu’une traversée de la rade ne sera pas réalisée; il affecte la mobilité et – d’une façon générale – les échanges de toute nature qu’on peut attendre entre les différentes parties d’une même agglomération. De fait, l’agglomération genevoise est en train d’évoluer dans le sens de deux entités, non plus transversales par rapport au Rhône comme l’était la Genève d’autrefois, mais longitudinales.

L’économie impactée

Certes, rétorquera-t-on, le Léman Express a été précisément conçu pour relever ce défi, mais il concerne avant tout les mouvements de personnes, alors que les autres formes de déplacements transversaux, notamment celles qui nécessitent des véhicules, deviennent de plus en plus problématiques. Pour éviter un étouffement que d’aucuns voient déjà programmé, la seule issue réaliste en l’état consiste à miser sur les perspectives offertes par un modèle de développement longitudinal, avec pour conséquence un certain repli – déjà observable – des deux composantes de ce modèle l’une par rapport à l’autre. Cette constatation ne concerne que marginalement les activités humaines peu affectées par des contraintes liées au facteur transport. En revanche, il faut probablement s’attendre à ce que le devenir économique de l’agglomération genevoise s’en trouve de plus en plus impacté. A titre d’exemple, aussi étonnant que cela puisse paraître, la région comprise entre l’Arve et le lac, peuplée de quelque 60 000 habitants, est – à populations comparables – l’une des plus mal desservies de Suisse en termes d’accès au réseau national d’autoroutes, ce qui contribue au développement longitudinal évoqué ci-dessus. Autre exemple d’un tel phénomène: ce n’est pas sans raison que la banque Lombard Odier s’apprête à déplacer ses activités du centre-ville à Bellevue. En conclusion, le «Conte de deux Cités» appliqué à l’agglomération genevoise pourrait bien s’inscrire dans la réalité, tant que la question des liaisons transversales entre ses composantes restera du domaine de l’utopie.

Georges-André Cuendet, Cologny

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