Né à Edimbourg en avril 1671, John Law n’avait que 17 ans lorsque son père, banquier, décéda subitement. Il décida de s’installer à Londres, vivant de jeux de hasard, de paris et autres expédients, car l’héritage paternel avait vite été dilapidé… Law était un jeune homme raffiné, brillant causeur, élégant et séducteur. En 1694, il fut emprisonné après avoir tué son adversaire lors d’un duel pour une affaire de cœur. Condamné à mort, il vit sa peine commuée en temps de prison, mais parvint à s’évader. Une fois sur le continent, il voyagea pendant plusieurs années: France, Pays-Bas, Savoie, Genève, Venise.
C’est alors qu’il commença à échafauder des théories financières vantant les avantages du papier-monnaie, publiant plusieurs ouvrages tout en continuant à fréquenter les tripots et les salons de jeux. Sans succès, il proposa même à certains Etats d’appliquer ses thèses. En 1711, le duc de Savoie refusa catégoriquement son offre, déclarant: «Je ne suis pas assez riche pour prendre le risque de me ruiner». Lors de son passage à Venise, Law en profita pour parfaire ses connaissances des techniques bancaires.

Banquier à Paris

Pendant son séjour en Hollande, l’Ecossais réussit à se constituer une fortune qui lui permit de revenir à Paris en 1715, ville où il acheta un magnifique hôtel particulier. Là, il arriva enfin à intéresser quelques notables, notamment le Régent de France qui assura la gouvernance du royaume entre la mort de Louis XIV (1715) et la majorité de Louis XV (1723).
Il faut dire qu’à cette époque, la situation financière du trésor était catastrophique: 69 millions de livres de recettes pour 146 millions de dépenses et une dette de 2,1 milliards.
Grâce à ses puissants soutiens, notre Ecossais fonda la banque Générale en 1716 et obtint l’exclusivité de l’émission de papier-monnaie. En 1717, ce fut la création de la Compagnie d’Occident, chargée d’exploiter la Louisiane. Cette société fusionnera avec d’autres compagnies, devenant en 1719 la Compagnie perpétuelle des Indes. Malgré de fortes oppositions, Law obtint du Régent la dévaluation des pièces de monnaie en or (les louis d’or), forçant ainsi les réticents à les échanger contre du papier-monnaie. Quant aux actions de la Compagnie des Indes, les promesses de gains et une bonne publicité (on parlait de montagnes de diamants et de carrières d’émeraudes) les firent grimper à des hauteurs vertigineuses. Les gens se battaient pour les acheter et de véritables fortunes se constituèrent grâce à la spéculation.

La chute finale

L’argent coulait à flot et tout le monde applaudissait au génie du «Système Law», malgré les avertissements de certains observateurs lucides. Petite anecdote véridique: parmi ces acheteurs se trouvait un bossu, dont on se servait comme porte-bonheur pour signer des contrats. Le romancier Paul Féval s’en inspirera dans son feuilleton «Le Bossu» et l’histoire sera portée à l’écran avec Jean Marais (1959) puis Daniel Auteuil (1997), sans oublier le fameux «Lagardère» de 1967 avec Jean Piat.
Mais Law, qui voyait plus grand, arriva à se faire nommer contrôleur, puis surintendant des Finances en janvier 1720! Seul aux commandes, il dévalua à nouveau le louis d’or et fit émettre des milliers d’actions supplémentaires, ainsi que près d’un milliard de livres de billets de banque. Le prix de l’action de la Compagnie des Indes passa de 500 à 20 000 livres, ce qui incita les gros actionnaires à réaliser cette fortune en or et en argent, créant ainsi la panique. Fin mars 1720, ce fut la faillite totale, des milliers de personnes furent ruinées et Law s’enfuit pour se réfugier à Venise.
Toujours actif, il parvint à obtenir la confiance du Premier ministre britannique, Robert Walpole, qui l’envoya en mission en Bavière. Malgré cela, complètement ruiné, il retourna à Venise, fréquentant les tables de jeu pour gagner sa vie. Le 21 mars 1729, il mourut et fut inhumé dans la basilique Saint-Marc. Qui était vraiment John Law: un précurseur génial, un escroc ou un maladroit?

Frédéric Schmidt

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