La langue n’est pas seulement faite pour être utilisée de manière mécanique, comme le veulent certains incultes néomodernes, elle réclame d’être goûtée, tâtée, dégustée. Il existe un parfum de phrases qui développe toute une esthétique de la langue, une séduction; et parler une belle langue comme la nôtre, c’est peu à peu devenir aussi beau qu’elle. Certains mots, certaines phrases nous offrent leurs bienfaits. Bien sûr, des mots se perdent et sombrent dans l’oubli, d’autre naissent et viennent se ranger sagement dans les dictionnaires. Notre langue fait l’objet de mille débats, de modifications et d’incessantes polémiques. C’est pourquoi la langue n’est jamais un immense musée. Aujourd’hui, la langue est attaquée frontalement par l’écriture inclusive. Les inclusivistes veulent de force s’emparer de la langue pour la travestir à leur usage purement idéologique. Et bien des amis du français les laissent faire au motif qu’on ne lutte pas contre l’évolution! Or, réveillez-vous, on n’est pas en présence d’une évolution, mais d’une mode fantasque et destructrice imposée par un petit groupe d’extrémistes déterminés. Au désordre des choses, ils viennent ajouter le désordre des mots. Et cette mode imbécile au graphisme daté apparaît assez vite pour ce qu’elle est: grotesque et dérisoire. Cette vogue idéologique rejoint toutes les modes: un immense bric-à-brac de signes, qui bâtit un mur de séparation entre les sexes afin de prouver qu’ils posséderaient chacun une essence différente. Cette illusion d’intellectualisme de pacotille est le hochet que les pauvres d’esprit agitent. Tous les gens qui cèdent aux modes sont des bigots, en ce sens qu’ils s’affilient à une religion sans fondement, mais qui leur apporte la sensation de profondeur, alors qu’ils ne rencontrent que l’éclatement des mots par les points médians ou les tirets, l’illisibilité des phrases par les tournures biscornues, la versatilité théorique, les pirouettes grammaticales lourdes et obscures. Bref, l’avant-goût de la mort, et comme elle inintelligible.

Illustration: Jérôme Henriques

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