Subtilement interviewé par l’écrivain et journaliste Christophe Gallaz dans la première partie du livre, le président et directeur général de Payot Pascal Vandenberghe rappelle dans «Le Funambule du livre» (Editions de l’Aire) son parcours de vie. Passant son enfance dans le Doubs, entre Besançon et Belfort, puis du côté de Metz, le jeune Pascal est né en 1959 dans une famille unie et modeste, mais où le livre n’a pas sa place. Son avenir est tout tracé, dans les pas de ses parents qui bénéficient de l’ascenseur des Trente Glorieuses de l’après-guerre: une formation de base puis l’usine, rejoignant l’aristocratie ouvrière française dont Zola a si bellement évoqué les origines. Mais Pascal Vandenberghe, c’est tout autant un caractère qu’une volonté. Un parcours scolaire difficile accompagne des années de formation, où le futur rebelle forme une sensibilité marquée par le courage et l’affirmation de soi. Son seul diplôme: un CAP (équivalent français du CFC) d’ajusteur. «Il fallait que je parte et respire en sortant de cette cuvette géographique, intellectuelle, spirituelle et familiale», affirme Pascal Vandenberghe, citant Rimbaud qui écrivait: «La vraie vie est ailleurs».

Pascal le rimbaldien

Commençant à suivre sans le savoir l’homme aux semelles de vent, l’adolescent un peu frondeur commence ses pérégrinations à travers la France et le monde, tout en lisant de façon boulimique, empruntant en médiathèque les grands classiques et des romans contemporains, avant de s’intéresser à l’histoire – qui deviendra une passion, notamment pour la période de la Seconde Guerre mondiale -, la philosophie, la sociologie, les sciences politiques. En véritable autodidacte, Pascal Vandenberghe forge une connaissance de la vie doublée d’une pratique toujours renouvelée sur le terrain de ses premières amours et de petits boulots en Allemagne, au Brésil et en France.

Les années Fnac, Complexe et La Découverte

Dès 1983, Pascal Vandenberghe entre dans le monde des livres et de la librairie, qu’il ne quittera plus. Jeune libraire chargé d’un secteur à la Fnac de Metz, puis augmentant régulièrement ses responsabilités pendant onze ans dans les Fnac de Rennes, Colmar, Toulon et Lille jusqu’à devenir directeur de librairie, Pascal Vandenberghe acquiert des compétences dans ce groupe dont l’un des slogans fut d’être «agitateur de culture». Il accompagnera le développement important de la Fnac, devenu un acteur incontournable de la diffusion du livre dans le monde francophone. Voulant connaître l’ensemble des métiers de la chaîne du livre, il rejoint comme directeur commercial en 1994 les Éditions Complexe à Paris, avant de participer au développement, entre 1996 à 1998, du réseau des librairies France Loisirs, fameux club d’achats de livres. De 1998 à 2004, Pascal Vandenberghe dirige commercialement les Éditions de la Découverte. Dans chacun de ces postes, il tente de relancer les collections, développer et valoriser les fonds, faisant preuve d’une énergie et d’un allant qui deviendront sa marque de fabrique.

Monsieur Payot

Manifestant le souhait de revenir au monde de la librairie, Pascal Vandenberghe postule alors chez Payot, qui cherchait un directeur, et le voilà engagé en 2004, au terme d’un processus normal de sélection. Chargé de mettre en place un management «moderne», de développer une communication en mesure d’améliorer l’image de cette institution romande, et de revoir tous ses «process» internes, le nouveau directeur va incarner à lui seul LA librairie romande, en mettant son énergie dans les batailles du prix du livre, de la place de la librairie dans le processus du chemin du livre, en luttant contre les privilèges des diffuseurs. Il finira par racheter Payot au groupe Lagardère, afin d’éviter qu’il ne le soit par la Fnac et pour lui donner les moyens d’entrer dans un XXIe siècle où d’aucuns annonçaient la mort du livre traditionnel et la fin de la librairie. Pascal Vandenberghe devient alors «Monsieur Payot» pour une opinion publique qui voit le réseau des librairies se moderniser et croître.

La librairie, un sport de combat

La deuxième partie du livre est constituée d’un bref essai qui fait le point sur les missions du livre, sur ses mutations, sur le livre et l’impression numérique, l’autoédition, avec une brillante et stimulante conclusion provisoire présentant les risques et les défis qui se profilent pour le livre et la librairie, au cœur des débats qui agitent la société.

Laurent Passer

Pascal Vandenberghe, «Le Funambule du livre», suivi de «La Librairie est un sport de combat», Éditions de l’Aire.

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