Deux à trois jours par an, la Ville organise des visites de la Villa La Grange, édifice lové dans le parc du même nom, dans le quartier des Eaux-Vives. D’une durée d’environ 1h30, ce parcours commenté se fait sur inscription et par petits groupes. Les privilégiés peuvent admirer les pièces de réception, les chambres, la grande bibliothèque contenant des collections de livres exceptionnels, les tableaux, les sculptures et autres œuvres d’art. Cet événement annuel est pris d’assaut par les amateurs de patrimoine: en témoignent les listes déjà complètes pour cet automne. La prochaine édition aura lieu en mai 2021; les dates précises seront communiquées en temps voulu. Pour faire patienter les déçus, petit aperçu de cette belle bâtisse historique.

Tour du propriétaire

C’est au XVIIIe siècle que la famille Lullin fit construire la maison de maître et ses grandes dépendances, remarquable ensemble classique au cœur d’un parc d’une vingtaine d’hectares. Les Favre, successeurs des Lullin, poursuivirent les aménagements au siècle suivant. Cette famille patricienne genevoise transforma la maison et le parc paysager, puis fit construire divers édifices. L’érudit Guillaume Favre constitua ainsi en 1821 la grande bibliothèque, qui comprend plus de 12 000 volumes imprimés entre le XVe et le milieu du XIXe siècle. On y trouve des raretés comme ces 22 incunables, livres parmi les tous premiers édités à Genève et imprimés entre 1450 et 1500.
Féru d’histoire de l’Antiquité et surtout d’histoire des langues et de la littérature, Guillaume Favre a également réuni de nombreux ouvrages traitant de science, de géographie ou de théologie. Ces livres, ainsi que sa collection d’objets d’art, ne manqueront pas d’attirer de nombreux savants que Guillaume reçoit dans sa belle demeure. En 1917-1918, son petit-fils, William, décide de léguer la propriété, y compris la bibliothèque et les œuvres d’art, à la Ville de Genève.

Une donation aux conditions strictes

Dans son testament, le mécène émet toutefois des restrictions, notamment le fait que la Villa serve exclusivement aux réceptions du Conseil administratif de la Ville et à l’accueil des hôtes, ce qui est toujours le cas aujourd’hui. Une commission d’exécuteurs testamentaires veille au respect de ces dispositions. Selon le legs, le parc La Grange est, quant à lui, destiné à un usage public. «Bien que très contraignantes, ces affectations ont permis de conserver le lieu tel quel, souligne Pierre Tourvieille de Labrouhe, conseiller en conservation du patrimoine architectural de la Ville de Genève. De petites transformations ont certes été effectuées, mais l’ensemble n’a pas été altéré depuis 1918!».
Les visiteurs sont ainsi plongés dans une atmosphère d’Ancien Régime, avec des salons d’apparat et de réception. Déambulant à travers la demeure, ils s’imprègnent de la vie d’antan: les chambres de la famille patricienne, les pièces du sous-sol destinées au personnel et dotées d’une vaste cuisine, les luminaires et même le système de sonnettes. Rappelons-le: architecture et ameublement forment un tout, splendidement préservé dans ce joyau genevois!

Véronique Stein

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