«Il y avait un orage terrible quand on est arrivés, on était complètement trempés en sortant de la voiture, mais dès qu’on l’a aperçu avec ma femme, on s’est écriés: C’est là!». Ce que Pierre-François Unger, 70 ans, et sa femme Olivia venaient de découvrir, c’était un lieu magique, face aux montagnes et sous le ciel immense et noir. Et c’était aussi une double bâtisse qui n’était plus qu’une ruine, deux vieilles granges-écuries perdues dans un hameau et au bas d’une colline. Les montagnes tout autour, un déluge de fin du monde, et puis un coup de cœur pour ces deux constructions au charme fou, témoins de l’habitat valaisan.
«Ici, on respire…»
C’était en 2010, quand Pierre-François Unger siégeait encore au Conseil d’Etat genevois où il est resté douze ans, de 2001 à 2013… C’est devenu aujourd’hui leur jardin secret, leur refuge: «Ici, on respire, il y a l’air des montagnes, le silence, la beauté de la nature… On a aussi trouvé une vraie chaleur humaine avec nos voisins, avec les gens du village. On a des atomes crochus! Nous sommes beaucoup plus proches des gens qu’à Genève; on se connaît tous, on se parle, on passe du temps au tea-room du village. On monte chaque week-end, départ le vendredi en fin d’après-midi et retour le dimanche soir. Pendant le confinement, nous y avons vécu presque tout le temps. Ma femme est avocate, elle a quinze ans de moins que moi et travaille à la Fédération des entreprises romandes, où tout le monde était en télétravail», dit notre hôte.
La séduction du Valais
Comment l’ancien conseiller d’Etat genevois, qui était médecin et fut longtemps chef des urgences aux HUG, a-t-il cédé, comme beaucoup d’autres, à la séduction du Valais? Comment a-t-il eu envie de trouver un pied-à-terre dans le Vieux-Pays? «Avec ma femme, nous cherchions une maison dans le val d’Hérens, explique-t-il en souriant, et nous avons découvert cet endroit par un pur hasard. J’avais demandé à des copains valaisans s’ils connaissaient quelque chose. On voulait un endroit sur la rive gauche du Rhône, avec du soleil et pas trop de montagnes qui nous tombent dessus. On voulait aussi un mayen plutôt qu’un immeuble! On était montés au moins une quarantaine de fois, le week-end, pour visiter des maisons, mais sans rien trouver. Et puis, pendant la finale d’un combat de reines, un copain me parle de cette vieille ruine qu’on est allés voir de suite».
Deux vieux mayens qui n’en font plus qu’un
Le vieux mayen, en fait, c’était deux vieux mayens, tout petits et séparés par un ou deux mètres à peine. Deux ruines laissées à l’abandon, qui faisaient peine à voir mais laissaient deviner une beauté perdue, saccagée par le temps, qui ne demandait qu’à renaître. D’autant que le bâtiment, après une succession compliquée, avait désormais un unique propriétaire, l’architecte valaisan Grégoire Comina. «Je lui ai demandé de reconstruire le mayen, mais il m’a dit qu’il n’avait pas le temps», se souvient Pierre-François Unger. J’ai rétorqué: «Tu n’as pas le temps mais tu vas quand même le faire» et il a accepté à la valaisanne, par gentillesse. Son ex-femme, qui est aussi architecte et travaille avec lui, a fait tous les plans et s’est occupée de tout. On a pu emménager en 2012». Le mayen était protégé, évidemment, et il a fallu le restaurer et le transformer en respectant strictement la réglementation. L’idée de génie, simple comme l’œuf de Christophe Colomb, fut de réunir les deux bâtisses pour n’en faire qu’une seule. L’espace qui les séparait est devenu l’escalier qui les relie! Une sorte de hall d’entrée original et sympathique. «Nous avons reconstruit le mayen définitif à l’intérieur des ruines», dit l’ancien conseiller d’Etat. Au rez-de-chaussée, les chambres à coucher, les meubles de rangement et les locaux techniques. A l’étage, d’un côté la terrasse et la cuisine, de l’autre le salon. Partout l’atmosphère tendre et chaleureuse du bois (du sapin étuvé éclaté), la lumière qui entre à grands flots, des poutres massives, une qualité de silence qui fait du bien.
Mariés en 2012, Pierre-François Unger et sa charmante épouse sont toujours aussi amoureux. Il fait penser à un ours plein de tendresse, elle est dynamique et très drôle, très vivante. Ennuyé par un problème à une jambe, il marche régulièrement mais ne fait plus de ski. Mais il adore faire la cuisine! Très sportive et en forme, elle fait de grandes randonnées à peau de phoque. Sur le mur de leur mayen, ils ont placé un écriteau, décliné en patois valaisan, qui est tout un programme: «Le vatse chakraye», qui signifie «Les vaches sacrées».
Robert Habel