Choisissez votre objet dans la base de données en ligne du MAH (www.collections.geneve.ch/mah): en quelques jours, il sera «installé» chez vous. Pendant le confinement, cette initiative lancée par le MAH et baptisée «Le MAH chez vous» est une alternative originale aux visites virtuelles de musées. Chacun est invité à envoyer une photographie de la pièce de sa maison qu’il ou elle souhaiterait voir décorée d’une œuvre de son choix, sélectionnée sur le site des collections en ligne du musée. L’image, retravaillée par le MAH pour y intégrer l’objet, est ensuite mise en ligne, enrichie de quelques liens surprises. Ces liens visibles ou cachés vont pimenter l’exploration, permettant d’accéder à des images, des vidéos, des plages audios, etc. Sérieuses ou amusantes, ces «dérives muséographiques» invitent à la découverte et à la flânerie. Avec mahchezvous.ch, une interaction s’établit donc entre les collaborateurs du Musée et les internautes, lançant une réflexion sur les sens multiples d’un objet d’art et ses implications dans la vie quotidienne.

Quand le musée s’invite chez vous

Au-delà de l’animation proprement dite, l’approche du MAH questionne en profondeur le rôle de l’art. Marc-Olivier Wahler, directeur de l’institution depuis novembre 2019, explique: «en proposant aux visiteurs d’intégrer des œuvres du musée chez eux, dans leur intérieur, je souhaite interroger la valeur usuelle de ces objets, une valeur qui a été éclipsée depuis longtemps au profit de considérations uniquement esthétiques». Cette activité ne se prolongera pas après le confinement. Mais elle amorce le changement de programmation prévu par l’institution culturelle genevoise en 2021. Pour la première exposition en janvier prochain, le MAH collaborera avec la curatrice et performeuse autrichienne Lena Jakob Knebl. Cette artiste propose d’extraire des centaines d’objets de la collection du MAH et d’organiser une exposition qui mettra sur un même plan hiérarchique les objets à valeur d’usage (mobilier, vaisselle, monnaies, etc.) et ceux à valeur purement esthétique (peintures, sculptures, œuvres sur papier, etc.).
Avec sa collection pluridisciplinaire, qui comporte près d’un million d’objets issus de différents domaines tels que l’archéologie, les beaux-arts, les arts appliqués, la numismatique, l’horlogerie et les arts graphiques, le Musée d’art et d’histoire est bien outillé pour ce genre de démarche. «Notre but est de révéler plusieurs facettes d’une œuvre grâce à une muséographie et une scénographie renouvelées, ainsi qu’avec d’autres outils contemporains, poursuit le directeur du MAH. Nous souhaitons dépasser la présentation d’œuvres dans le cadre sobre du ‘White cube’, devenu trop souvent la norme». En effet, lorsque nous visitons un musée de salle en salle, les objets sont exposés certes sous leur plus bel angle mais déconnectés de leur contexte. Ainsi, une amphore panathénaïque – grand vase de céramique remis en récompense aux gagnants de compétition sportive de la Grèce antique – est présentée dans une vitrine individuelle, comme si sa plastique était particulièrement remarquable. Or la valeur de ce prix résidait dans son contenu: c’était une bouteille d’huile d’olive géante!

Eveiller l’intérêt du public

Lier les objets d’art au quotidien des gens est une façon de rappeler qu’ils ont eu un usage, une fonction avant leur exposition. C’est aussi une manière d’enchanter les journées des personnes confinées. Leur faire regarder leur propre intérieur avec l’œil aiguisé qu’ils porteraient sur les œuvres exposées dans un musée. «C’est un moyen d’éduquer le regard du visiteur, de l’affûter et de mettre en évidence la polysémie des objets. Utiliser le cadre familier permet de faire se rencontrer le musée et ses collections avec le système référentiel des visiteurs, en se rendant là où sont les gens» conclut Marc-Olivier Wahler.

Véronique Stein

Site de l’exposition virtuelle: mahchezvous.ch

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