On pourrait dire qu’il n’a pas changé, qu’il est toujours ce jeune militant impatient et sincère qu’il était il n’y a pas si longtemps, voilà un demi-siècle. René Longet, à 70 ans, a toujours le même visage fin, la barbe soignée, le regard attentif et aimable, la même voix si particulière, chaleureuse et ouverte au dialogue. Né le 12 avril 1951 à Genève, il a toujours le même amour de la nature et de la terre et n’a rien cédé sur rien, ni sur ses rêves, ni sur ses combats. Il vient de publier un livre intelligent et rigoureux, plein d’analyses de fond et de questions, ainsi que de nombreux témoignages (Philippe Roch, Nicolas Bonnet…). Pourquoi René Longet est-il devenu écologiste, à une époque où le mot existait à peine, au tout début des années 70? Pourquoi a-t-il adhéré au Parti socialiste, qui était alors anticapitaliste par principe, mais pas si vert que cela et même souvent pas vert du tout, car il se situait encore dans sa tradition ouvriériste? Pourquoi lui est-il resté fidèle tout au long des cinquante dernières années? Son nouveau livre éclaire les origines intellectuelles et morales de son engagement.

Ecologiste conservateur

«Je ne dis jamais: c’était mieux avant», assure René Longet en riant, réfutant d’emblée l’idée que l’écologie puisse être devenue aujourd’hui une forme de nostalgie du passé et de régression. Très rigoureux, didactique, il énumère les risques qui pèsent, selon lui, sur la planète: le réchauffement, la biodiversité qui recule, les forêts massacrées, l’Amazonie, les glaciers qui fondent… Il est socialiste et écologiste, bien sûr, mais il est plutôt conservateur au sens philosophique du terme, très sensible au temps qui passe et à la tradition. Il n’aime pas jeter de vieux objets ou de vieux meubles, il aime les vieux vins qu’il garde soigneusement, il se satisfait de sa vieille voiture qu’il utilise d’ailleurs très peu… «Je déteste le gaspillage, dit-il, j’ai toujours l’impression que les objets ont une âme». Le sens de la mesure, l’équilibre, une espèce de sagesse et de «slow attitude» assez conforme à l’esprit calviniste. René Longet assure qu’il n’est pas contre le progrès, mais à condition que ce progrès soit intelligent et responsable, ce qu’il appelle «un progrès qui mérite ce nom». «J’ai envie de dire qu’il faut prendre le meilleur du passé et le meilleur du présent!», confie-t-il. Ce qu’il regrette amèrement, explique-t-il dans son livre, c’est que le monde actuel n’utilise que très mal tous les moyens scientifiques et techniques dont il dispose pour mieux gérer les choses et traiter les menaces qui pèsent sur la planète. René Longet n’est pas vraiment angoissé, il est plutôt triste en voyant que les politiques mises en place un peu partout manquent cruellement de rationalité et de vigueur. D’où l’objectif de son livre d’anniversaire: «Fournir des pistes pour aider à définir les bons chemins vers un avenir qui vaille la peine d’être vécu».

Un certain goût pour la spiritualité

Mais si René Longet est un pur politique, il est aussi sensible à la spiritualité. Il a l’âme verte, les réflexes verts, il aime la nature comme une source de vie. Il aime les beautés de la Terre, les océans, les grands espaces, le ciel immense, les montagnes, les forêts, mais il ne dédaigne pas non plus les richesses enfouies – le pétrole, le gaz, les matières premières – qu’il considère comme des ressources bienvenues, à condition de les utiliser sagement et prudemment. René Longet ne croit pas non plus à la colonisation prochaine de la Lune et de Mars; il ne la souhaite pas, persuadé qu’il vaut mieux vivre sur Terre, avec la lumière, l’eau, le soleil et le vent, plutôt que dans un scaphandre ou sous une bulle dans une planète lointaine, sombre et sinistre comme la mort. Elon Musk ne le fait pas rêver, la conquête de l’univers ne le passionne pas. «Quand on aura remis de l’ordre dans notre maison, sur la Terre, on ira voir la Lune!», conclut-il.

Robert Habel

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