Après consultation des cantons, Berne a confirmé son plan de réouverture progressive, ébauché le 17 février. Sourd à la levée de bouclier du secteur de l’hôtellerie-restauration et aux positions cantonales favorables à un déconfinement plus rapide, l’Exécutif fédéral a décidé une réouverture des restaurants le 22 mars, ainsi que des ajustements possibles, pour autant que la situation sanitaire s’avère favorable, à la mi-mars. «Quels ajustements? tonne Laurent Terlinchamp, président de la Société des cafetiers, restaurateurs et hôteliers de Genève. Va-t-on nous soumettre à des gestes barrières supplémentaires ou nous obliger à respecter trois mètres de distance entre les tables?».
Et de rappeler «qu’à part un pseudo-rapport américain, aucune étude suisse ou européenne ne prouve que les restaurants constitueraient des foyers de contamination majeurs». Quant à l’ouverture des seules terrasses soumise aux caprices de la météo et à l’option du take-away, qui accuse une baisse drastique de clientèle, causée notamment par le froid hivernal et par le télétravail, ce sont des solutions aléatoires qui ne font pas évidemment pas le poids».

Un drame économique et psychologique

Sa colère va de pair avec la détresse d’un secteur qui sombre face à l’imprévisibilité totale qui touche tous les acteurs de la branche. Cinq mois après le début de la crise sanitaire, la situation était déjà délicate et l’avenir opaque. Le chiffre d’affaires avait baissé en moyenne de 42%. «En 2020, nous n’avons travaillé qu’à 60% et les indemnités ont été minimes. Aujourd’hui, nous sommes dans le gouffre. Le sondage de Gastrosuisse, organisation faîtière de la branche, indiquait en novembre dernier que 30% des établissements du pays étaient déjà condamnés à ne pouvoir se relever. Comment croire encore aux promesses et aux discours de la Confédération? A Genève, certains établissements ne peuvent plus s’endetter, certains sont pratiquement en faillite avant d’être aidés. Par ailleurs, les exploitants qui veulent jeter leur tablier ne peuvent proposer leur exploitation qu’à 20% à 40% de sa valeur commerciale. La valeur de leur commerce constitue pourtant leur deuxième pilier. Bizarrement, les repreneurs intéressés ne manquent pas, mais ils attendent que les prix baissent encore. Et que feront ensuite ces gens qui sont pour la plupart loin de l’âge de la retraite?».
Laurent Terlinchamp n’a pas de mots assez forts pour dénoncer l’état d’abandon dans lequel est plongé le secteur: «La décision du Conseil fédéral et sa gestion de la crise sont dramatiques, tant sur le plan économique qu’humain. Sustentés par la manne et les directives de la Confédération, les plans d’aide cantonaux – aussi clairs qu’ils tentent de l’être à Genève – se succèdent, s’annulent et se chevauchent, à tel point que tout le monde, y compris les fiduciaires, se perd dans les méandres administratifs». Pour rappel, le nouveau système d’indemnisation concernant les charges incompressibles, établi en janvier, élimine le seuil d’accès aux seuls cas de rigueur et s’étend à toutes les entreprises qui ont fait l’objet d’une fermeture de plus de 40 jours depuis le 1er novembre 2020 ou qui ont connu une baisse de leur chiffre d’affaires de 25% ou plus durant l’année 2020. Préalablement, cette participation a donné droit pour novembre et décembre à un montant plafonné à 10 000 francs par mois et par établissement. «Des mesures qui restent totalement insuffisantes. Il ne suffit pas de se gargariser du mot «solidarité», quand elle se fait sur le dos des commerçants. Nous n’attendons pas d’être aidés, mais d’être dédommagés à hauteur des pertes réelles et des préjudices subis depuis des mois», tonne le responsable de la SCRHG.

Des assurances ne jouent pas le jeu

«Ajoutez à cette situation, l’attitude de certaines assurances, des polices contre les épidémies qui ne fonctionnent pas en cas de pandémie et des assurés contre les pandémies qui sont insuffisamment indemnisés, car tout cas est soumis à interprétation… On ne compte plus le nombre de procédures en cours. Le drame, concut-il, c’est aussi, bien sûr, l’augmentation du chômage dans ce secteur, avec ses conséquences sur le plan social et son impact économique, malgré les mesures gouvernementales visant nous dit-on à sauvegarder les emplois et le pouvoir d’achat.

Viviane Scaramiglia

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