Travaux de rénovation

Le Tribunal fédéral vient de rendre un arrêt (du 10 décembre 2018, 4A_356/2018) concernant la fixation du loyer initial et des loyers échelonnés suite à des travaux de rénovation effectués dans un logement. Le problème posé – et résolu! – était celui de déterminer si les loyers échelonnés fixés dans le contrat de bail, après exécution de travaux de rénovation sans autorisation, restaient valables lorsque, en cours de bail et après contrôle des travaux, le Département avait finalement fixé, selon les critères de la LDTR, un nouveau loyer initial (largement) inférieur à celui prévu dans le contrat de bail.

Cet arrêt du Tribunal fédéral est l’occasion de rappeler que selon la LDTR (soit la Loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d’habitation), les travaux de rénovation de logements sont soumis à autorisation de construire délivrée par le Département du territoire (ci-après le Département). Cette dernière s’accompagne, pour les logements répondant aux besoins prépondérants de la population, d’une fixation du loyer après travaux calculé par le Département pendant une durée pouvant aller jusqu’à trois ans, voire, en cas de rénovation lourde, cinq ans.

Deux cas de figure: loyers avant et après travaux 

Dans ce contexte, deux cas de figure peuvent se présenter. Dans le premier cas le bailleur, désireux d’entreprendre des travaux de rénovation dans un logement, sollicite du Département, avant d’effectuer les travaux, une autorisation de construire qui lui est délivrée, avec comme condition la fixation d’un loyer initial LDTR limité dans le temps.

Dans le second cas, le bailleur effectue des travaux de rénovation sans requérir préalablement une autorisation de construire mais, après un contrôle du logement par le Département, il est contraint de solliciter une telle autorisation, qui lui est délivrée avec la fixation d’un loyer LDTR limité dans le temps, mais avec effet rétroactif au début du bail.

Loyer LDTR et loyers échelonnés fixés avant travaux 

Dans le premier cas, il ressort d’un arrêt du Tribunal fédéral (du 6 janvier 2014, 1C_184/2013) que les règles applicables au loyer initial et aux loyers échelonnés sont les suivantes.

Le bailleur doit impérativement indiquer dans le bail, ainsi que sur l’avis de fixation du loyer, le montant du loyer annuel LDTR et la durée de ce loyer, fixés par le Département dans l’autorisation de construire concernant les travaux de rénovation envisagés par le bailleur.

Cela étant, le bailleur peut d’ores et déjà prévoir dans le contrat de bail et l’avis de fixation du loyer, avec l’accord du locataire, des augmentations de loyer pour la période postérieure à celle du contrôle du loyer fixé par le Département.

Pour ce faire, le bailleur peut recourir aux clauses d’échelonnement, aux conditions prévues par la loi (art. 269c CO), à savoir la conclusion d’un bail pour une durée minimale de trois ans et ne prévoyant qu’une seule augmentation de loyer par an.

Le bailleur doit motiver cette augmentation échelonnée du loyer initial fixé par le Département, qui entrera en vigueur après la période de contrôle. En pratique, cette augmentation du loyer initial est généralement motivée, et justifiée, par le critère de l’adaptation du loyer aux loyers usuels du quartier (art. 269a lettre a CO).

Dans ce cadre, le locataire dispose d’un délai de trente jours pour contester les loyers fixés. A défaut de contestation dans ce délai, le locataire ne sera par la suite plus en droit de contester les loyers échelonnés, qui entreront dès lors en vigueur après la durée du loyer LDTR fixé par le Département.

Droit constitutionnel respecté

Dans le cadre de cet arrêt, le Tribunal fédéral a rappelé que les dispositions cantonales de droit public qui soumettent à autorisation les travaux de rénovation de logements et qui imposent de ce fait un contrôle des loyers pour une durée limitée, telles que celles prévues par la LDTR, n’étaient pas contraires au droit constitutionnel, notamment celui qui consacre la primauté du droit fédéral, lorsque celui-ci est exhaustif, sur les règles cantonales qui lui seraient contraires.

En effet, les dispositions de la LDTR sont destinées à combattre la pénurie de logement, ce qui constitue un objectif d’intérêt public majeur. Il en découle, selon le Tribunal fédéral, que la fixation limitée dans le temps d’un loyer LDTR par le Département, suite à des travaux de rénovation, ne viole pas le principe de la primauté du droit fédéral  sur le droit cantonal.

En revanche, cette règle reste limitée à la durée du contrôle étatique fixée dans l’autorisation de construire et ne déploie plus ses effets après la période de contrôle. Ce qui entraîne par conséquent, dans le cas jugé par le Tribunal fédéral (1C_184/2013), que le premier loyer échelonné, devant entrer en vigueur après la fin de la période de contrôle du loyer LDTR, peut être fixé de façon indépendante de celui retenu par le Département.

Et ce loyer échelonné est opposable au locataire dès son entrée en vigueur, si ce dernier n’a pas contesté l’avis de fixation des loyers dans les trente jours après sa prise de possession du logement loué,

Loyer LDTR et loyers échelonnés fixés après travaux 

Dans le second cas, jugé récemment par le Tribunal fédéral (arrêt du 10 décembre 2018, 4A_356/2018), un bailleur a effectué des travaux de rénovation sans requérir au préalable d’autorisation de construire du Département. Puis ce bailleur a conclu avec un nouveau locataire un contrat de bail, prévoyant un loyer initial et des loyers échelonnés, contrat que le locataire n’a pas contesté dans le délai légal de trente jours.

En cours de bail, le Département, après avoir constaté que des travaux de rénovation avaient été entrepris sans autorisation de construire, a exigé du bailleur qu’une telle demande soit déposée, ce qui a été fait. Le Département a dès lors délivré l’autorisation demandée, mais fixé comme condition un loyer LDTR pendant une durée de trois ans, avec effet rétroactif au début du bail.

Après l’entrée en vigueur de l’autorisation de construire fixant un loyer LDTR limité dans le temps, le locataire a saisi les tribunaux en vue d’obtenir:

• la nullité du loyer initial prévu au contrat, qui était supérieur au loyer LDTR;

• la fixation de ce loyer conformément à l’autorisation de construire;

• la nullité des loyers échelonnés initialement fixés dans le contrat de bail.

Contrairement aux juges cantonaux, le Tribunal fédéral, admettant pour l’essentiel le recours ultérieur du bailleur, a considéré: que le loyer initial devait effectivement être fixé conformément à celui qui avait été retenu par le Département dans l’autorisation de construire; qu’après la fin de la période de contrôle, c’était le loyer échelonné initialement convenu dans le bail qui devait entrer en vigueur, puisque l’avis initial de fixation du loyer, comprenant les loyers échelonnés, n’avait pas été contesté par le locataire dans les trente jours.

En substance, le Tribunal fédéral a considéré que le locataire ne pouvait invoquer qu’une nullité partielle des loyers échelonnés fixés initialement dans le contrat de bail, à savoir les loyers des trois premières années, qui n’étaient pas conformes à celui fixé par le Département dans l’autorisation de construire avec effet rétroactif.

Néanmoins, le Tribunal fédéral, au contraire des juges cantonaux, a jugé que cette nullité partielle ne pouvait pas porter sur les loyers échelonnés entrant en vigueur, conformément au contrat de bail, après la fin de la période de contrôle. En effet, le locataire n’avait pas contesté ces loyers échelonnés dans le délai de trente jours à partir de sa prise de possession du logement.

Partant, le Tribunal fédéral a estimé que le locataire avait accepté le montant des loyers échelonnés initialement prévus dans le contrat de bail.

Comme on peut s’en rendre compte, la cohabitation entre travaux de rénovation, loyer initial et loyers échelonnés peut déboucher sur certaines difficultés juridiques, surtout lorsque le bailleur n’a pas requis d’autorisation de construire avant l’exécution de travaux de rénovation et la conclusion d’un nouveau bail.

Dans ce dernier cas, et lorsque le loyer LDTR fixé par le Département est inférieur au loyer initial convenu avec le locataire, le bailleur s’expose à devoir rembourser au locataire les trop-perçus de loyer pendant la dure du contrôle et cela même si le locataire n’a pas contesté dans les trente jours l’avis de fixation du loyer initial.

Dura lex, sed lex!

Patrick Blaser
Avocat associé de l’Etude Borel & Barbey, Genève
patrick.blaser@borel-barbey.ch

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