Les quatre vérités de Jean-Marc Vaudiau
Ce qu’il y a de proprement hallucinant avec les médias de grand chemin, c’est que lorsqu’ils analysent une situation (les USA, le Brexit, le Brésil, l’Italie, la Hongrie, l’Autriche, la Grèce, l’unification européenne, les affaires genevoises, etc.), cette analyse, qui n’est en réalité qu’une hypothèse parmi d’autres, est considérée comme une loi de la nature, devant laquelle tout esprit sensé devrait se plier. Ensuite, cette analyse est copiée par d’autres médias, puis encore recopiée, et elle devient ainsi l’opinion dominante. Car les médias n’ont que peu d’indépendance: ils reproduisent ce que d’autres médias viennent de publier, dans un effet larsen que tout le monde tient pour un effet de vérité. Puis, comme assez vite on remarque que ce qui a été copié et recopié ne tient pas la route au vu des événements et que cette opinion apparaît comme de la plus haute improbabilité, cela leur permet de reforger une autre analyse, aussitôt copiée et recopiée, et qui ne tarde pas à devenir à son tour la nouvelle vérité du moment.
Et comme l’actualité et les affaires permettent de multiples hypothèses, le réservoir de clones est inépuisable. Jusqu’à ce que le peuple se réveille, évidemment. Mais il a encore des réserves de sommeil, le peuple.
La volonté des médias d’exposer leur vision d’un monde sans vraies contradictions, où tout irait dans le même sens, ce que la presse appelle d’ordinaire les «faits de société» ou la tendance politique générale, parfois même le «sens de l’histoire», cette volonté ne permet plus de comprendre les choses. Il y a les méchants d’un côté, c’est-à-dire ceux qui ne veulent pas approuver notre monde qui bouge, qui bouge, qui bouge vers un progrès infini; et les autres, qui méritent d’ordinaire les adjectifs de réactionnaires, de conservateurs, voire de fascistes.
Or le monde est plus complexe que ne le représente cette dictature du Bien généralisé. Ainsi, parfois, le matin devant cette complexité, je fais ma prière: Seigneur! Délivrez-nous du Bien et ne nous soumettez pas à sa tentation.